Blog

  • Chimaera Acanthopoda Grandigardensis

    Exosquelette de Maja brachydactyla, Nephrops Norvegicus, Homarus Gammarus. H 100 × L 34 × P 10 cm · 7 kg

  • Chimaera Carbonaderma Coustea

    Exosquelette de Maja brachydactyla, racines. H 50 × L 45 × P 10 cm · 3,6 kg

    Dans le sillage des grandes explorations marines qui ont marqué l’histoire, le Commandant James Cousthéus entreprit une plongée sans précédent vers les profondeurs extraterrestres des mystérieux et insondables océans d’Europe, satellite naturel de Jupiter.

    le commandant James Couthéus appareillant la chaloop.
    James Cousthéus appareillant la chaloop.

    À bord du Nausinoos, son navire conçu pour les explorations extra-océaniques, Cousthéus et son équipage plongèrent dans les abysses gelées de cet océan extraterrestre.

    Animé par un désir insatiable de découverte, le commandant savait que cette mission pouvait révéler des secrets cosmiques sans précédent.

    Lors d’une plongée près d’un fumeur bleu, une oasis des profondeurs de cet océan glacé, l’équipage fit une découverte stupéfiante.

    Emergeant de l’obscurité, cette structure vertigineuse se dressait à plus de 120 mètres au dessus d’eux comme une colossale termitière gellée. Illuminée par les lueurs phosphorescentes qui rayonnaient de la colonne, une créature était postée là.

    Le Nausinoos à l'abord du fumeur bleu lors d'une plongée dans l'océan glacé d'Europe.
    Le Nausinoos à l’abord du fumeur bleu.

    Cousthéus, fasciné par cette apparition, reconnut immédiatement les traits d’un échinoderme éteint au millieu de l’anthropocène sur . Devant son regard, cette exophiure évoluait à travers les panaches de gaz liquéfié émanant du fumeur bleu.

    C’est comme si les échos de l’exploration passée de son illustre ancêtre résonnaient à travers les âges, unissant les esprits d’aventure d’hier et d’aujourd’hui.

    La rencontre inédite avec cet organisme extraterrestre munie de sept bras délicats et son allure majestueuse, fut une découverte qui marquera l’histoire de l’exobiologie océanique.

    La chaloop éclairant l'exophiure.
    La chaloop éclairant l’exophiure.

    Lors de cette expédition, l’équipe scientifique captura des images et des données précieuses sur cette créature, plongeant plus profondément dans les mystères de son adaptation à ce biotope extraterrestre unique. Ils étudièrent sa capacité à se mouvoir dans les courants frigorifiés, son régime alimentaire adapté aux ressources limitées et ses interactions avec d’autres espèces exotiques présentes en ces eaux extraterrestres.

    Cousthéus réalisa que cette découverte était le fruit de siècles d’explorations marines audacieuses, transposés aux confins les plus éloignés du système solaire.

    En contemplant cette créature extraordinaire, il ressentit un profond sentiment de responsabilité envers la préservation de ces écosystèmes encore inconnus et fragiles. Il savait déjà que cette découverte était le point de départ d’une nouvelle ère d’exploration et de protection des océans extraterrestre.

    sur la banquise d'Europe les membres de l'équipage posent avec leur boule de neige carbonique devant une bobine supraconductrice du fusiondrill du Nosinoos.
    Sur la banquise d’Europe, des membres de l’équipage posent avec leur boule de neige carbonique devant une bobine supraconductrice du fusiondrill.

  • Chimaera Corona Sanctus Major

    la chimère corona sanctus major par richard dhennin
    Exosquelette de Maja brachydactyla. H 50 × L 50 × P 12 cm · 5,6 kg

    La couronne.

    Il était arrivé en fin de saison, quand les feuilles mortes étouffent les sentiers forestiers et que la brume ne se lève plus tout à fait. Le barrage, vieux d’un demi-siècle, retenait une eau lourde, sans rides, sans éclat, une plaque de plomb étendue entre les collines. Le lieu n’avait pas de nom, ou s’il en avait eu un, il s’était perdu dans l’eau.

    Officiellement, il venait cartographier les structures du village englouti lors de la mise en eau et modéliser l’ancienne église noyée. Personne ne l’attendait vraiment. Le responsable du site lui avait laissé les clés d’un pavillon vide, un plan approximatif des ruines, et un mot laconique sur la table : « Le clocher est toujours debout. Ne descendez pas seul. » Il ne se posa pas de questions, il venait juste cartographier les structures immergées.

    Il passa deux jours à s’installer. Le pavillon était simple, presque monacal. Une chambre, un bureau, une cuisine nue, et une grande vitre donnant sur le lac. Il tenta de travailler. Il disposa les cartes, consulta les relevés, ajusta les coordonnées. Mais quelque chose le perturbait. Pas la solitude il la cherchait, pas le silence il l’aimait. Non, c’était autre chose, une sorte de décalage, comme si ce lieu n’était pas tout à fait synchrone avec le monde. Les heures glissaient, les ombres tombaient trop vite, et toutes ses montres, même les plus fiables, se décalaient de trois minutes, exactement trois.

    Le troisième soir, il resta éveillé, non par insomnie mais par vigilance, comme si son corps se souvenait d’un danger inconnu. Rien ne bougeait, pas d’insectes ni d’oiseaux et pourtant quelque chose battait. Ce n’était pas un son, mais une fréquence. En passant la main sur la vitre il ressentit une vibration imperceptible. Il sortit.

    Le lac figé sous la lune ne trahissait rien. À l’horizon une ligne pâle se dessinait traversée en son centre par une pointe de pierre, le clocher. Droit, muet, comme posé sur l’eau depuis toujours. Là il entendit trois coups très espacés, sourds et profonds. Il sentit dans sa poitrine trois battements exactement calés sur le son. Il consulta les relevés, rien. Pourtant les capteurs indiquaient : 0,033 hertz, trois fois par minute. Il s’assit, prit un stylo et sans réfléchir, traça un cercle, puis un deuxième, puis un troisième, trois cercles parfaits. Il les regarda longtemps avant de s’allonger dans le noir.

    Le lendemain, il choisit de plonger. Pas de sonde, pas de drone. Juste lui. Il attendit la fin du jour, quand la lumière bleuit et que le lac se confond avec le ciel. Il vérifia sa combinaison, les bouteilles, la lampe, tout était en ordre, tout était calme. Il entra dans l’eau. Elle était tiède, presque douce, comme si elle l’avait attendu. Il descendit lentement, les premières formes apparurent sous le faisceau de sa lampe : les murets éventrés, les toitures effondrées et les fragments de vitraux figés dans le limon. La lumière glissa sur les pierres des colonnes et sur le dallage silencieux. L’église était là, entière, comme posée sur le lit du monde. Le clocher, lui, disparaissait lentement vers la surface.

    Et là, au fond où se dressait l’autel, il la vit. Une couronne suspendue dans l’eau, immobile, rayonnante, silencieuse. Chacune de ces épines diffusait une douce clarté presque sacrée. Elle pulsa trois fois, puis le silence. Là, il sut qu’elle avait toujours été là. Il s’approcha, son cœur ralentit, s’accorda et obéit. Il vit des lignes en elle, des cercles, des figures enfouies et des signes sans nom.

    Sa lampe s’éteignit. Le détendeur, lui, se tut. Plus d’air, plus une bulle. L’eau devint parfaitement silencieuse. Il aurait dû ressentir la peur, mais il n’y avait plus de place pour elle. Combien de temps cela prendrait, il l’ignorait. Il savait seulement qu’une noyade n’était jamais immédiate. Il ne paniqua pas. Ou peut-être que si. Mais c’était déjà en train de passer. Les muscles réagissaient : mouvement, résistance, puis fatigue. Ce n’est pas possible, pensa-il. Et pourtant, l’eau entrait par la bouche, le nez, les yeux, elle gagna les poumons et envahissait tout.

    Il tenta encore un geste, un appel. Rien ne remonta. Le temps devint instable, les repères se diluèrent. Le corps se relâcha, les membres cédèrent, les poumons se figèrent. L’eau n’était plus un obstacle, elle contenait tout. Il crut entendre une voix, ou s’en souvenir. Mais cela n’avait plus de forme, ni de sens. Tout s’effaçait, le temps, la peur, la douleur se dissipait comme la lumière.

    Puis plus rien, rien que le liquide et le silence.

    Sous la douce lumière émanant de la couronne, son corps se posa au pied de l’autel, comme prosterné, le front contre le dallage de pierre. Elle ne l’accueillait pas, ni ne l’attendait, elle le devinait, comme on reconnaît une présence familière.

    Il ne se souvint pas être remonté. Pourtant il était là, assis dans le pavillon. Il recommença à dessiner les mêmes formes, trois cercles. Aujourd’hui encore, il descend souvent au bord de l’eau, il reste là des heures entières. Certains disent qu’il trace inlassablement les mêmes signes. Et parfois, quand le vent se lève, on entend sous la surface trois coups très lents, très profonds. Comme si quelque chose appelait toujours.

  • Chimaera Pamelus Andersonus

    Exosquelette de Maja brachydactyla. H 60 × L 40 × P 14 cm · 6,2 kg

    On pourrait imaginer rencontrer un jour cette chimère sur le pont d’un bateau de pêche dans la Manche, sortie de la mer, piégée dans le filet qui remonterait tout droit de la décharge sous marine de la fosse des Casquets

    Non, je préfère l’imaginer barbotant dans des eaux claires plus lointaines, comme celles des abords de la plage de Zuma beach.
    Là, on la distingue très bien à une vingtaine de centimètres sous la surface miroitante de l’eau. Elle est posée sur le sable avec sa belle couleur rouge semblable au maillot une pièce de Pamela Anderson dans  » Alerte à Malibu « …

  • Chimaera Unguibus Ardentibus

    Exosquelette de Carcinus Maenas. H 74 × L 32 × P 8 cm · 3,3 kg

    La porte du magasin carillonna.
     » Bonjour, je souhaiterais m’entretenir avec le Docteur Carlotta Linderstone.
    – Oui, c’est moi. » Répondis-je.
    Je refermais le tiroir de la collection d’isopodes d’un coup de hanche et me retournais assez surprise.

     » Bonjour, mademoiselle. Permettez-moi de me présenter, je suis le Professeur Hitchcopton. Je vous rapporte des nouvelles qui vous raviront. »

    Le Docteur Carlotta Linderstone.

    Devant moi, souriant, se tenait le Directeur de Recherche de la station de biologie marine de Sanctum Briocum.
    Il venait m’annoncer que la commission du muséum avalisait ma demande pour étudier la mangroove de Palmétuvier.
    Mes recherches sur la stratégie adaptative des écosystèmes supralittoraux du golfe de Sanctum Briocum allaient pouvoir reprendre.

    Le jour même, je quittais mon travail à la Maison Yarollde. Il était temps pour moi de dire au revoir à mes amis de paille, de plumes et d’écailles ainsi qu’à tous ceux figés dans les bocaux de la boutique, en les dépoussiérant une dernière fois.

    Le Professeur Hitchcopton devant la maison Yarollde.

    J’avais deux mois pour élaborer toute la planification requise. Cette entreprise s’annonçait comme une tâche d’envergure à accomplir dans ce laps de temps.
    Perchée sur mon lit, carnet et crayon à portée de main, je me plongeais dans mes notes, laissant mes pensées s’envoler au fil de mes réflexions :

     » Les apports anthropogéniques azotés du XXIe siècle ont joué un rôle plus important que prévu dans l’acidification des zones côtières. Certaines algues marines ont développé une adaptation pour coloniser le littoral et former des structures dépassant largement la limite d’aspersion des embruns.

    Les palmétuviers ont un stipe lisse et épais, atteignant jusqu’à 3 podós de diamètre. À leur base un crampon ramifié s’ancre solidement dans le sol pour assurer la stabilité contre les vents violents et les scélévagues.

    Les thalles en forme de ruban rhéophyte s’étendent à la surface de l’eau et peuvent mesurer jusqu’à 80 podós de long. La caractéristique spécifique du palmétuvier étant le développement de néopneumatophores.

    Palmétuvier.

    Je ne peux qu’émettre des hypothèses sur leur rôle et leur fonctionnement aux vues de mes observations actuelles :

    Fonctionnent-ils en tant qu’organes de synthèse ou de filtration ?
    Favorisent-ils la photosynthèse en capturant du CO2 atmosphérique pour compenser la disponibilité réduite de celui-ci sous sa forme dissoute, dû à sa trop forte concentration dans l’eau de mer ?
    Diminuent-ils la dépendance vis-à-vis des éléments nutritifs marins ?
    Peuvent-ils éliminer des substances toxiques accumulées dans les tissus des algues et servir de voie d’évacuation pour des polluants ?
    Synthétisent-ils des composés organiques à partir du CO2, de l’eau et de la lumière solaire ?
    Les composés synthétisés pourraient-ils potentiellement être libérés dans l’eau, améliorant ainsi les conditions environnementales pour d’autres organismes marins ? « 

    Tous ces questionnements m’entraînaient doucement vers le sommeil. Je fermais les yeux avec un sourire satisfait.

    Soixante-douze jours s’étaient écoulés quand le Docteur Linderstone fut débarquée avec une équipe à la lisière de la mangroove.

    Les premiers jours furent très productifs. L’eau, les strates de substrat, les racines, les crampons, les stipes et les thalles furent échantillonnés.

    L’étude des néopneumatophores était l’étape suivante. Leur configuration compliquait l’accès, certains furent éliminés par manque de maturité ou en raison des marées. L’un d’eux, nommé K2, atteignait 98 podós, positionné idéalement à la lisière de la mangroove, il répondait à tous les critères.

    Carlotta et Scott à la lisière de la mangroove.

    En ce mois de Brumaire, la météo se dégradait rapidement à l’approche d’un ouragan à 65 milles au large de l’océan de Bretaigne, ce qui compromettait l’expédition pour plusieurs mois. Malgré ces conditions défavorables, Carlotta décida d’anticiper l’exploration du K2.

    Au matin suivant, Scott Stewart et Carlotta Linderstone entreprirent l’ascension.
    Dès les contreforts, des paliers formaient des bassins abritant divers organismes aquatiques. Carlotta remarqua des membranes déchirées à leurs surfaces et des mues de larves dans l’eau.

    Scott ouvrit la voie en installant un point d’ancrage au niveau supérieur. Il observa que les cuvettes étaient à présent hermétiquement scellées et que des larves qui s’y mouvaient rapidement.

    Carlotta nota que les organismes étaient plus juvéniles dans les hauteurs. Scott continua vers le palier suivant. Une fois assuré, il cria :  » Relais ! Docteur, venez voir. Il n’y a plus que des grappes d’œufs ici ! « 

    Tandis que Carlotta examinait les coquilles délicates et translucides qui renfermaient les embryons en développement, un frisson soudain parcourut l’air. Les nuages sombres s’accumulant rapidement dans le ciel annonçaient l’approche de l’ouragan. Ils réalisèrent qu’ils disposaient de peu de temps pour descendre en toute sécurité.

    Le vent forçait, faisant vibrer toute la structure. La pluie s’intensifiait, rendant les parois encore plus glissantes. Ils parvinrent au palier inférieur avec difficulté, pendant que Scott détachait le point d’ancrage pour continuer la descente, un éclair zébra le ciel, suivi d’un bruit de tonnerre assourdissant.

    Dans cet éclat de lumière, Carlotta aperçut quelque chose qui la glaça d’effroi, derrière elle se tenait un spécimen adulte d’une taille impressionnante. La créature menaçante se dressa, considérant leur présence comme une intrusion dans le sanctuaire de ses œufs.

    Tout se produisit très vite, protégeant sa ponte, l’animal brandit devant lui une de ses pinces massives et sectionna brutalement la corde de sécurité. La jeune scientifique perdit soudainement son équilibre et chuta dans le vide.

    Le 20 Brumaire à 14 heures, la radio retentit dans la station. La voix de Scott, à peine audible, demandait de l’aide.

    Carlotta chutant du palmétuvier.

  • Chimaera Mantis Salvadordalis Raptum

    Exosquelette de Maja brachydactyla, tubercules. H 38 × L 38 × P 14 cm · 3,4 kg

    À l’ère où les nefs dansaient parmi les astres, l’Ordre des Chevaliers de la Couleur Infinie dépêcha ses missionnautes vers Surréalitys-426.

    L'arrivée du Monastéus sur Surréalitys-426
    L’arrivée du Monastéus sur Surréalitys-426.

    Sur cette planète étrange, ils firent la découverte d’un monde où le temps et l’espace se pliaient telles des lignes sur la toile d’un peintre. La boue sur cette terre était tout sauf ordinaire, et l’argile prenait vie sous forme d’œuvres d’art en constante métamorphose.

    guillaume salvadoriant sur surréalitys 426
    Guillaume sanctifiant la planète.

    Guillaume Salvadorian, Grand Maître des Couleurs Divines, était l’Éclairé suprême qui guidait l’expédition. Sa quête perpétuelle de l’Art Absolu le conduisait à la recherche d’une source d’inspiration insaisissable, le plongeant dans des états de créativité intense entrecoupés de profondes mélancolies.

    Leur exploration les avait conduits à travers des étendues de boue liquide aux reflets hypnotiques, des tours de glaise érigées comme des monuments façonnés par une main invisible et des antennes végétales qui semblaient transmettre des messages divins.

    Les règles de la physique et de la logique se perdaient dans les sinuosités de l’imagination. C’était un monde où les couleurs respiraient, où les formes exécutaient une danse au rythme des pensées. La surface se réinventait sans cesse sous l’influence des mystérieuses forces de la créativité.

    Au fur et à mesure de leur exploration, des membres de l’équipe commencèrent à disparaître mystérieusement. Guillaume, dans ses moments d’euphorie artistique, semblait ignorer ces disparitions, se focalisant sur ses propres créations. Puis, dans ses périodes de mélancolie, il exprimait un profond chagrin pour ces camarades disparus.

    L’équipe découvrit cependant des indices troublants liant leur maître aux disparitions mystérieuses de leurs compagnons. Les amulettes abandonnées par les disparus furent retrouvées, mais Guillaume gardait ses sombres secrets pour lui-même.

    À l’aurore, un soleil aux reflets impossibles jaillissait, projetant des ombres qui ondulaient sur la mélodie éthérée du vent.

    En ce matin qui échappait à toute horloge, Guillaume partit seul. Il suivit un mirage qui semblait le mener vers une œuvre d’art supérieure. Son talisman, l’Épée de Création, sembla prendre vie, et il se mit à chanter des louanges à l’Art Absolu tout en sculptant le sable mouvant. Devant lui, une créature émergea des entrailles de la planète.

    Cette monstruosité, telle un rocher hérissé d’horreur, était portée par une multitude de pattes qui lacéraient la boue. Son corps massif arborait une gueule béante où des crocs pointus se dressaient, prêts à engloutir la lumière. Ses pinces s’élevèrent devant Guillaume, telles deux faux d’outre-monde prêtes à récolter au-delà de la vie.

    Les autres membres de l’équipe arrivèrent sur les lieux, témoins de la scène étrange. Guillaume semblait dialoguer avec une créature qui n’était visible que de lui. Ils comprirent que leur maître était au bord de la folie.

    En communion avec l’incarnation ultime de l’Art Absolu, il s’agenouilla et leva son regard vers le ciel comme s’il était face à une apparition divine. Puis il disparut, happé dans la boue liquide, emporté par son obsession.

    Son épée de Création fut récupérée à la surface de l’étendue boueuse, une œuvre d’art inachevée s’effaçant à ses côtés.

  • Chimaera Brachium Harpoonis

    Exosquelette de Maja brachydactyla, Carcinus Maenas, Littorina Littorea, Parapenaeus Longirostris . H 35 × L 24 × P 8 cm · 1,1 kg

    Je contemplais avec stupéfaction cette créature, posée telle une énigme sur la paillasse carrelée. Sa silhouette insolite, sa carapace hérissée d’épines, suscitait en moi une fascination mêlée d’effroi. Son corps était pourvu de deux pinces, dont l’une pouvait propulser, avec une précision redoutable, un harpon en forme d’ogive, relié à la pince par un ligament souple. Ses yeux, d’une mobilité remarquable, s’agitaient sans cesse, se déplaçant indépendamment dans toutes les directions.

    Chimaera brachium harpoonis, ainsi se nommait cette créature, possédait des pattes agiles, lui conférant une aisance exceptionnelle dans les eaux tumultueuses. Son agilité et sa sagacité en faisaient une redoutable prédatrice, prête à tout pour capturer sa proie de manière brutale et sans pitié. Telle une ombre silencieuse, elle se dissimulait dans les profondeurs marines, ne laissant aucun indice de sa présence avant de surgir et d’harponner sa victime.

    Tel un rétiaire des abîmes, cette créature démontrait une agilité implacable, rappelant les combattants les plus féroces des arènes romaines. Une fois sa proie capturée, elle la transportait vers son antre, triomphante, telle une victoire glorieuse qui nourrissait sa faim insatiable.

  • Chimaera Aracnifada Asteripodia

    La chimère Aracnifada Asteri-Podia
    Exosquelette de Maja brachydactyla, Parapenaeus Longirostris. H 37 × L 37 × P 8 cm · 2 kg

    Lors de la seconde fonte globale du pergélisol, d’importants gisements d’anthropolithe furent mis à nu, là où jadis la cité de Nû-york prospérait à l’ère de l’anthropocène moyen, bien avant la grande unification.

    C’est au cours d’une campagne de prospection pour le compte de la compagnie minière Extract & Enjoy Corporation, que le célèbre anthropogemmologue Otto Mac Nussemm fit, par le plus grand des hasards, la découverte de « Chimaera Arachnifada astéri podia. »

    Otto Mac Nussemm rapportant un bloc de trashium 235.

    Mac Nussemm choisit d’étudier plus précisément le site de « Broad1.0way » où les strates de déchètrite semblaient très prometteuses en minerais.

    Site minier de nû-York.

    – Extrait du journal de bord d’Otto le soir de l’installation du campement :

    « Afin d’approfondir mes recherches, je me documentais en transvisionnant un vidéofossile d’un dénommé « Freud Aster. » Alors que je prenais des notes, j’entendis à quelques mètres au dehors des claquements secs qui me rappelèrent immédiatement ceux émis par les talons des souliers du danseur de clap dance.

    Je me précipitais dans le noir en allumant ma torche. J’aperçus là sur le sol gelé une multitude de créatures de type arachnide. Elles se déplaçaient rapidement en émettant ce son syncopé au moyen de leurs six pattes. Elles faisaient un étrange ballet. Je ne pourrai affirmer avec certitude si elles communiquaient de cette façon, mais chaque individu semblait être synchronisé avec les autres d’une manière impalpable. »

    Mac Nussemm transvisionnant le vidéofossile.

    – Par la suite, Mac Nussemm écrivit à ce sujet dans ses mémoires :

    « Mes compétences en anatomie et phylogénétique étant limitées, je me hâtai d’expédier un spécimen à mon ami et collègue Kirk Cousthéus, qui possédait une expertise plus approfondie. Lorsqu’il fallut donner un nom à cette créature, le souvenir du danseur « Freud Aster » s’imposa spontanément. La découverte d’Arachnifada Asteri podia restera un moment inoubliable pour moi. »

    Portrait d’Otto Mac Nussemm.