Chimaera Unguibus Ardentibus

Exosquelette de Carcinus Maenas. H 74 × L 32 × P 8 cm · 3,3 kg

La porte du magasin carillonna.
 » Bonjour, je souhaiterais m’entretenir avec le Docteur Carlotta Linderstone.
– Oui, c’est moi. » Répondis-je.
Je refermais le tiroir de la collection d’isopodes d’un coup de hanche et me retournais assez surprise.

 » Bonjour, mademoiselle. Permettez-moi de me présenter, je suis le Professeur Hitchcopton. Je vous rapporte des nouvelles qui vous raviront. »

Le Docteur Carlotta Linderstone.

Devant moi, souriant, se tenait le Directeur de Recherche de la station de biologie marine de Sanctum Briocum.
Il venait m’annoncer que la commission du muséum avalisait ma demande pour étudier la mangroove de Palmétuvier.
Mes recherches sur la stratégie adaptative des écosystèmes supralittoraux du golfe de Sanctum Briocum allaient pouvoir reprendre.

Le jour même, je quittais mon travail à la Maison Yarollde. Il était temps pour moi de dire au revoir à mes amis de paille, de plumes et d’écailles ainsi qu’à tous ceux figés dans les bocaux de la boutique, en les dépoussiérant une dernière fois.

Le Professeur Hitchcopton devant la maison Yarollde.

J’avais deux mois pour élaborer toute la planification requise. Cette entreprise s’annonçait comme une tâche d’envergure à accomplir dans ce laps de temps.
Perchée sur mon lit, carnet et crayon à portée de main, je me plongeais dans mes notes, laissant mes pensées s’envoler au fil de mes réflexions :

 » Les apports anthropogéniques azotés du XXIe siècle ont joué un rôle plus important que prévu dans l’acidification des zones côtières. Certaines algues marines ont développé une adaptation pour coloniser le littoral et former des structures dépassant largement la limite d’aspersion des embruns.

Les palmétuviers ont un stipe lisse et épais, atteignant jusqu’à 3 podós de diamètre. À leur base un crampon ramifié s’ancre solidement dans le sol pour assurer la stabilité contre les vents violents et les scélévagues.

Les thalles en forme de ruban rhéophyte s’étendent à la surface de l’eau et peuvent mesurer jusqu’à 80 podós de long. La caractéristique spécifique du palmétuvier étant le développement de néopneumatophores.

Palmétuvier.

Je ne peux qu’émettre des hypothèses sur leur rôle et leur fonctionnement aux vues de mes observations actuelles :

Fonctionnent-ils en tant qu’organes de synthèse ou de filtration ?
Favorisent-ils la photosynthèse en capturant du CO2 atmosphérique pour compenser la disponibilité réduite de celui-ci sous sa forme dissoute, dû à sa trop forte concentration dans l’eau de mer ?
Diminuent-ils la dépendance vis-à-vis des éléments nutritifs marins ?
Peuvent-ils éliminer des substances toxiques accumulées dans les tissus des algues et servir de voie d’évacuation pour des polluants ?
Synthétisent-ils des composés organiques à partir du CO2, de l’eau et de la lumière solaire ?
Les composés synthétisés pourraient-ils potentiellement être libérés dans l’eau, améliorant ainsi les conditions environnementales pour d’autres organismes marins ? « 

Tous ces questionnements m’entraînaient doucement vers le sommeil. Je fermais les yeux avec un sourire satisfait.

Soixante-douze jours s’étaient écoulés quand le Docteur Linderstone fut débarquée avec une équipe à la lisière de la mangroove.

Les premiers jours furent très productifs. L’eau, les strates de substrat, les racines, les crampons, les stipes et les thalles furent échantillonnés.

L’étude des néopneumatophores était l’étape suivante. Leur configuration compliquait l’accès, certains furent éliminés par manque de maturité ou en raison des marées. L’un d’eux, nommé K2, atteignait 98 podós, positionné idéalement à la lisière de la mangroove, il répondait à tous les critères.

Carlotta et Scott à la lisière de la mangroove.

En ce mois de Brumaire, la météo se dégradait rapidement à l’approche d’un ouragan à 65 milles au large de l’océan de Bretaigne, ce qui compromettait l’expédition pour plusieurs mois. Malgré ces conditions défavorables, Carlotta décida d’anticiper l’exploration du K2.

Au matin suivant, Scott Stewart et Carlotta Linderstone entreprirent l’ascension.
Dès les contreforts, des paliers formaient des bassins abritant divers organismes aquatiques. Carlotta remarqua des membranes déchirées à leurs surfaces et des mues de larves dans l’eau.

Scott ouvrit la voie en installant un point d’ancrage au niveau supérieur. Il observa que les cuvettes étaient à présent hermétiquement scellées et que des larves qui s’y mouvaient rapidement.

Carlotta nota que les organismes étaient plus juvéniles dans les hauteurs. Scott continua vers le palier suivant. Une fois assuré, il cria :  » Relais ! Docteur, venez voir. Il n’y a plus que des grappes d’œufs ici ! « 

Tandis que Carlotta examinait les coquilles délicates et translucides qui renfermaient les embryons en développement, un frisson soudain parcourut l’air. Les nuages sombres s’accumulant rapidement dans le ciel annonçaient l’approche de l’ouragan. Ils réalisèrent qu’ils disposaient de peu de temps pour descendre en toute sécurité.

Le vent forçait, faisant vibrer toute la structure. La pluie s’intensifiait, rendant les parois encore plus glissantes. Ils parvinrent au palier inférieur avec difficulté, pendant que Scott détachait le point d’ancrage pour continuer la descente, un éclair zébra le ciel, suivi d’un bruit de tonnerre assourdissant.

Dans cet éclat de lumière, Carlotta aperçut quelque chose qui la glaça d’effroi, derrière elle se tenait un spécimen adulte d’une taille impressionnante. La créature menaçante se dressa, considérant leur présence comme une intrusion dans le sanctuaire de ses œufs.

Tout se produisit très vite, protégeant sa ponte, l’animal brandit devant lui une de ses pinces massives et sectionna brutalement la corde de sécurité. La jeune scientifique perdit soudainement son équilibre et chuta dans le vide.

Le 20 Brumaire à 14 heures, la radio retentit dans la station. La voix de Scott, à peine audible, demandait de l’aide.

Carlotta chutant du palmétuvier.

Commentaires

11 réponses à “Chimaera Unguibus Ardentibus”

  1. Avatar de bergeon
    bergeon

    Ce mille-patte, sans les poils aux pattes des mammifères, est une autre espèce d’Arthopleura, c’est si je n’abuse pas, une Arthopleura -wagnera.
    Les myriapodes sont composés de nombreux anneaux, dont le nombre est égal aux Anneaux des Nibelungen. Un indice m’avait mis sur cette découverte, car ce mille-patte vivait au Carbonifère supérieur en Grande -Bretagne et en Allemagne. On aurait pu croire que cet mille-patte soit d’origine anglaise avec la cimbalisation des cigales que vous évoquez cher professeur, et que cela se rapprochait du morceau de musique s’intitulant Cimbaline de l’album More des Pink Floyd. Mais non. C’est en Allemagne dont ce mille-patte est originaire. En regardant mes chipolatas que les ai vu se métamorphoser en Chilopoda, je crois même que j’étais chez vous à boire du rosé Pink.
    Mes sincères salutations, cher professeur.

    1. Avatar de richarddhennin

      Cher ami,
      C’est avec grand plaisir que je lis vos commentaires. Une mine d’inspiration pour moi qui à eu l’avantage d’égayer ma journé…

      C’est peut-être en poilant deux chipolata que germa l’idée de la métamorphose de Kafka ?

      Vos Chilopoda, font partie des saucinoïdes, un groupe comportant un grand nombre d’espèces présents sur l’ensemble du globe.
      Certaines issues du bassin méditerranéen dont la famille des merguezinoïde, peuvent être urtiquantes pour les muqueuses chez l’homme.

      Merci encor de votre visite cher ami.

  2. Avatar de Jean Tigoret
    Jean Tigoret

    La Société Protectrice des Animaux aurait dû depuis longtemps s’interroger sur la disparition de certaines espèces de crustacés du cambrien. Nous n’en serions pas là où nous sommes, c’est-à-dire à contempler avec des yeux ébahis les chimères dans vos boites noires qui furent exposé au salon de Dinard en l’an 2023. Justement, l’enquête de la SPA tendrait à montrer que les avions se scratchant avec leur boite noire, que l’on n’a pas recueillie faute de moyens, ont perturbé les écosystèmes de la faune marine et serait peut-être si l’on s’avance un peu trop ou pas assez, à l’origine d’une maladie inconnue encore à ce jour. En résumé, si l’on ne sait pas encore ce qu’est cette maladie infectieuse qui décima cette espèce d’arthropode, par contre on est parfaitement renseigné sur ce qu’elle n’est pas. En termes clairs, les crustacés ignorent de quoi ils sont morts, mais savent qu’ils ne sont plus vivants. Comme le disait jadis l’évêque de Meaux, l’illustrissime Bossuet si prévoyant, si avant-coureur, ce célèbre évêque avait alerté ces concitoyens, ces camarades et ces copains dans son oraison funèbre sur la faune maritime, de la disparition progressive de certaines chimères. Il incita sur ce point avec sa célèbre réplique : «Ô destinée tragique et effroyable où retentit cette terrible nouvelle : Les chimères se meurent, les chimères sont mortes. » La SPA a reconnu, avec un peu de distance séculière, et un retard considérable, le mérite de cet évêque, et lui a décerné la médaille du Mérite marin. Mais voilà, cette généreuse entreprise de gratitude est parvenue aux oreilles de certains spécialistes de la biologie. Certains professeurs de la faculté de médecine, spécialisés dans la génétique de l’ère du jurassique, orientèrent leur recherche vers la biogénèse, et abandonnèrent la piste conduisant à l’identification de cette maladie infectieuse. Ils proposeraient l’application de la fécondité artificielle à l’art vétérinaire, pour qu’enfin cesse le mythe du chaud lapin égrillard engrossant une écrevisse marchant à reculons et refusant l’idée d’une diversité génétique ainsi que le mythe du chaud lapin fécondant des « « chimaera volupta amor » à l’origine de la famille des « « chimaera » lors des fêtes de fin d’années.
    Jean Tigoret.
    Responsable de la Société Protectrice des Animaux, du département maritime de la Manche.

    1. Avatar de richarddhennin

      Cher Jean,

      Votre lettre m’a pris par surprise…
      Votre perspective humoristique sur les aventures reproductives entre lapins et écrevisses est intrigante ! Merci pour cette vision décalée et divertissante…

      Bien à vous.

    2. Avatar de richarddhennin

      Le lapin et l’écrevisse.

      Au cœur du bois, le lapin, empli d’espoir et d’ardeur, cherche louanges auprès de l’écrevisse, sa ferveur.

      Mais son désir d’amour, lui vaut une étreinte pincée en retour.

      Malgré carottes offertes et mots doux, l’écrevisse, prudente, répond sans détours, sans tabous.

      Le lapin, l’espoir déçu, se détourne, peiné, une pince serrée sur sa queue, un peu courbée.

  3. Avatar de Un visiteur du salon de Dinard 2023
    Un visiteur du salon de Dinard 2023

    J’ai visité le « saloon » de Dinard de 2023, comme dirait les britishs si nombreux dans ce coin de la Bretagne si fréquenté. J’ai pu contempler vos œuvres exposées et me suis réjouis de faire un brin de causette avec vous monsieur le spécialiste des arthropodes. Vous l’ignorez certainement, un visiteur du salon avait observé notre conversation, et m’étant déplacé pour regarder les peintures de votre voisin, il m’aborda et me posa des questions au sujet de vos « chimaeras. » C’était un homme assez gonflé, avec qui on ne peut pas faire le finaud, et qui avec son franc-parler pose des questions tout en donnant les réponses. Il valait mieux le laisser parler plutôt que de le contredire ou le contrarier. Puis il enchaina en me disant que son grand-père médecin avait pratiqué le même art que vous et que des œuvres assez semblables que celles que vous présentez, avait été déjà pensées par son ancêtre. Il ajouta un détail qui a son importance, pour la suite de notre histoire, elles étaient dans des bouteilles. Il était tellement enjoué de me raconter cette anecdote, qu’il voulût absolument me montrer les « chimaeras ». J’ai oublié de vous dire que ce grand psychologue m’avait pris pour un spécialiste des arthropodes, sans se douter que je pouvais être votre ami ou être votre voisin ou appartenir à votre famille. Donc je décidais de le suivre, par simple curiosité. Nous arpentons les rues de Dinard et arrivés dans la maison de son grand-père, médecin, nous entrons et nous nous dirigeâmes dans sa bibliothèque où étaient effectivement exposées les « chimaeras » dans des bouteilles hermétiquement bouchées à la cire. Au premier coup d’œil, j’avais saisi que s’en était pas, mais je préférai me taire, afin de ne pas le contrarier. Il ne s’était jamais posé la question : « Quelles sont les bestioles qui sont déposées dans ces bouteilles ? » Au contraire en voyant vos boites et vos crustacés du cambrien, il s’était persuadé que ces bestioles étaient bien des « chimaeras. » Ensuite il m’apprit qu’en les retirant des bouteilles, il avait le projet de faire sécher ces drôles d’animaux gluants, qui ressemblent par leur couleur et leur forme à la « chimarea carbonaderma Coustea », et ensuite de les installer dans des boites en bois. Il s’inscrirait également au prochain salon de Dinard, soit en 2024, pour se vanter et informer aux esthètes et aux professionnels de l’art que son grand-père médecin émérite vous avait précédé, sans se douter que les créations peuvent apparaitre à des endroits différents sans que les artistes eussent le pouvoir de se rencontrer. Mais voilà, en sortant une de ces bestioles qui était enroulée au fond de la bouteille, on eut la désagréable surprise d’observer qu’elle mesurait près de 5 mètres. Décontenancé, par cette découverte, il ouvrit plusieurs bouteilles et l’on vit que certaines bestioles atteignaient près de 8 mètres de long et que la plus petite avait moins un mètre de longueur. Il se retourna vers moi, et me posa la question suivante : « Quelle est le nom de ces « chimaeras » ? Avec le plus grand sérieux possible, je lui répondis qu’il s’agissait de la « chimaera diphyllobotrium » pour les plus grandes, de la « chimaera hymenolepis » pour les plus petites. Ces chimères font partis de la famille des « chimaeras plathelminthes ». Le brave homme était éberlué par mes connaissances sur les arthropodes, et restait quoi. Pour une fois, il m’écouta, et acquiesça à ma réponse. Il nota précieusement les noms de ces « chimaeras » sur une feuille. Il me serra la main me disant qu’il m’enverrai un carton d’invitation pour le salon de l’année prochaine et me dit merci en me serrant la main très fortement, et me dis : « A l’année prochaine. » je répétais machinalement « A l’année prochaine ». Je sorti de chez lui assez rapidement, et arrivé à une certaine distance de sa maison, je suis mis à éclater de rire. J’imaginai sur le chemin du retour, qu’il devrait confectionner des boites en bois d’au moins 5 mètres de hauteur avec quelques centimètres de large ou inversement puisque les plafonds, même de Versailles, ne sont pas si élevés et réalisé des boites d’une largeur au moins d’un mètres cinquante, s’il présentait ces chimères enroulées sur elle-même. En fait, il s’agissait de vers plats appeler plus communément ténias ou vers solitaires.
    Un visiteur du salon de Dinard de 2023.

  4. Avatar de richarddhennin

    Cher ami,

    Quel plaisir que de découvrir votre lettre !

    Je jurerais avoir aperçu, au matin de mon installation, l’ombre de votre homme marchant d’un bon pas dans les ruelles embrumées d’un épais smog Dinardais.

    Lors du salon, alors que votre intrépide interlocuteur entamait sa démarche en votre compagnie, j’étais affairé à apposer ma signature sur les épaules des visiteurs.

    D’ailleurs, mon impatience croît à l’idée de recevoir ce carton d’invitation pour le salon de l’année à venir. Il me semble judicieux de m’exercer à plier en accordéon mes créatures afin qu’elles s’ajustent à des boîtes de cinq mètres de hauteur et d’un mètre cinquante de largeur, tel un ouvrage d’origami digne des prodiges de Versailles, ne croyez-vous pas ?

    Mais sérieusement, imaginez un instant les réactions des visiteurs face à ces vers plats enroulés en un gigantesque sushi géant ! Ce serait un spectacle saisissant ! J’en ris encore en remémorant cette scène, mais reconnaissez qu’elle aurait constitué une attraction singulière pour le salon. « Les Vers Solitaires Géants de Monsieur X » ! Quel titre accrocheur !

    Je trépigne d’impatience en attendant « l’année prochaine » pour de nouvelles aventures botanico-zoologiques aussi rocambolesques !

    Avec affection,
    Herr Dhennin.

  5. Avatar de Jean Tigoret
    Jean Tigoret

    Merci de votre poème s’intitulant Le lapin et l’écrevisse. Je dois ajouter une petite chose. Votre femme ou votre compagne ou votre concubine, s’était inquiété de votre santé. Elle avait remarqué qu’à l’approche de l’hiver dernier vous n’étiez plus aussi fringuant. Je l’avais consolé avec la remarque du regretté Desproges, « en novembre cache ton membre. » et l’avais rassuré avec la subséquente, « en février cela commence à se relever. » Evidemment je ne vous cache pas qu’en vieillissant, l’hiver se prolonge jusqu’à l’été, et qu’à l’automne tant à disparaitre graduellement. Dans les EPHAD, on ne joue plus les Quatre saisons de Vivaldi. Comme vous le devinez, neuf morceaux ont été retirés, et les personnes âgées n’écoutent plus que L’hiver. Les psychologues spécialisés en gérontologie préfèrent ne pas ranimer les idées saugrenues de la jeunesse éternelle.
    Jean Tigoret

    1. Avatar de richarddhennin

      Mon cher Jean,

      Votre chronique mélancolique sur la marche implacable du temps, réduite à son hiver, évoque un tableau musical où neuf saisons s’effacent, ne laissant que l’hiver pour accompagner les années.

      Puissiez-vous bénéficier de promesses printanières plus accueillantes que les miennes !

      Peut-être devrions-nous convier le compositeur à allonger les jours estivaux, ou bien recourir à l’ingéniosité moderne pour défier ces saisons implacables ?

      Avec mes vœux de chaleur, même en ces hivers prolongés.

  6. Avatar de Armand Toussesay
    Armand Toussesay

    Armand Toussesay
    J’ai une nouvelle à vous annoncer. Le restaurant très chic et très mondain, le Castel de la Bonne Boustifaille, dont la renommée n’est plus à faire, vient de se doter d’un petit orchestre, et d’une spécialité dinardaise : le Mille-pattes du cambrien. Elle fut créer par son chef étoilé, l’ancien aristocrate originaire de Normandie, le baron Lesrouston de Montripier. Il s’est marié récemment devant l’Eglise avec mademoiselle Emma Lebitos. Le quartier de l’église de Saint-Enogat se souvient encore de toutes ces festivités. Je me suis senti soudainement investi par la mission quai-religieuse de dire aux malotrus de vanter par ces temps obscures la courtoisie, le savoir-vivre, la civilité, et la croyance au Rédempteur, de notifier les bonnes mœurs du baron et de mademoiselle. Pour revenir à notre sujet, le Mille-patte du cambrien est réalisé à partir d’une mixture composée d’abats et de tripes comme pour les andouillettes qu’il a fait macéré dans des algues et donnant à cette composition une odeur d’iode à ces abats. Cette mixture est ensuite introduite dans le corps de la « chimaera unguibus ardentibus », et cuite au four. Elle est accompagnée d’une purée de pois verts et d’une purée de choux de la région. Les clients aiment décortiquer cet arthropode, car à la différence des crabes, il y a davantage à manger et à contenter son estomac qui en a pour son argent. La corvée de soupeser des crabes pour se rendre compte qu’ils sont pleins, est résolue astucieusement. Evidemment, le chef va immanquablement vous commander monsieur Dhennin, un nombre de « chimaera » assez conséquent. Vous aurez certainement besoin de mille petites mains pour satisfaire la commande et accroitre la renommée de ce restaurant. Monsieur vous allez vous enrichir et faire travailler des petites bretonnes aux joues rouges, comme on pouvait en voir autrefois du temps de mes grands-parents. Vous allez devenir un acteur et un partenaire incontournable de la région pour son développement touristique. Sacher que pour contribuer à un tel projet, outre l’appui financier du Conseil de la région, il y a un développement de nombreuses modalités de partenariats avec les structures d’accompagnement.
    Pour le petit orchestre de bénévoles rétribués au pourboire, on retrouvera ce vieux cochon, l’incontournable Jean Tigoret, à la viole de gambas, la chipie négligée et très entreprenante, Arielle Bonichon au clavesein, l’écossais sentant le scotch Mac Larinette*, à la clarinette, le malentendant ayant un biniou sur les deux oreilles, et jouant en sourdine de la cornemuse, Jean Tenrien, et l’ancien repris de justice qui joue du violon, Isidore Barreau. Tous les samedis soir, ils se produiront pour vous divertir et vous accompagner.

    Le journaliste Armand Toussesay
    * Le nom de Mac Larinette a été créé par l’humoriste de la Belle époque : Alphonse Allais. D’autres noms fabriqués par l’auteur de ces messages s’inspirent de l’humoriste.

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